La revue du SNP

[publié le 04/02/2012]

P&P 220 : Pratiques plurielles à la F.P.H. (janv 2012)

Psychologues et Psychologies n°220

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Le désir de faire apparaître la diversité de l'exercice des psychologues en milieu hospitalier, à rebours des stéréotypes du psychologue psychothérapeute, enfermé dans son bureau et attendant La demande, a été le point de départ de ce dossier.

En découvrant les écrits des collègues que j'avais sollicités, j'ai réalisé à quel point au travers de leurs témoignages vivants d'une incroyable richesse clinique, notre profession n'avait cédé sur rien au niveau des pratiques. L'engagement total au côté des patients, le questionnement permanent pour rester au plus près de la clinique, la créativité, sont quelques unes des pépites que j'ai trouvées dans ces écrits.

Dans les lieux de soin et particulièrement à l'hôpital, ces dernières années ont été marquées par des changements organisationnels profonds qui ont un impact sur le travail de l'ensemble des professionnels. Les conditions d'accueil des patients se sont dégradées sous un double pression managériale gestionnaire et sécuritaire, mettant les équipes au défi de maintenir un collectif soignant soutenant et cohérent dans son action.
Les psychologues ne sont pas épargnés par la tourmente qui souffle violemment et nous fait vaciller jusque dans les fondements mêmes de la légitimité qu'avait acquis notre profession. L'appui sur des textes fondateurs tels que l'obtention de la protection du titre de psychologue en 1985 puis le décret de 1991 relatif au statut particulier dans la FPH ainsi que la circulaire de 1992 semblent soudain bien fragiles face aux attaques actuelles.
Ces points de repère qui ont construit notre identité professionnelle sont désormais mouvants, soumis aux aléas du nouveau management dont la loi HPST "Hôpital, patients, santé territoire", votée en juin 2009, n'est qu'un des derniers avatars. La disparition dans le préambule de la loi, de la mention soulignant la nécessité de la dimension psychologique dans les soins, est un des marqueurs les plus emblématiques de l'évolution de la politique des soins en cours.
Soigner est désormais une activité comme une autre, dont il s'agit de préserver avant tout la dimension rentable. La mise en place de la T2A - tarification à l'activité - à l'hôpital général illustre ce souci de concurrence généralisée entre public et privé.

La psychiatrie essaie désespérément d'échapper à cet étalonnage précis de la dépense de soin qui tente d'aligner le coût d'une prothèse de hanche sur la prothèse psychique dont certains de nos patients les plus fragiles ont tant besoin. Hélas pour la gestion, le temps psychique ne se laisse pas déterminer aussi facilement et échappe heureusement pour l'instant encore aux tentatives d'évaluation du coût (coup) psychique.
Le corollaire de la politique de réduction des dépenses dans tous les liens de soin, s'appelle "Qualité et gestion des risques". Elle impose aux soignants de se conformer, au nom de la bientraitance, au respect le plus strict des protocoles et des recommandations de bonnes pratiques. L'ennemi à combattre devient la surprise, l'inattendu, le grain de sable, qu'il s'agit de débusquer avant qu'il ne se produise. Les fiches "de signalement d'évènements indésirables" sont là pour parer à toute nuisance imprévue. Le comble étant que si un service n'en produit pas assez, il se voit alors suspecté de dissimuler l'in-désirable !

La protocolisation des soins constitue une attaque contre l'activité de penser, de créer. Elle exige que nous soyons conformes à une norme édictée de l'extérieur et le vrai risque, c'est que nous n'ayons plus du tout dans notre capacité à soigner, d'extérieur possible à cette norme. C'est alors que nous finirons par trouver qu'un protocole de mise en isolement est moins pire que la mise en isolement elle-même. Nous ne serons plus en capacité de penser ce que cet acte peut avoir comme effets ravageant sur des sujets déjà terrorisés par leur délire.

En déniant la compléxité du fonctionnement psychique, la mise en place de la nouvelle gouvernance confond le soin et la communication. La parole perd sa valeur d'engagement symbolique, elle se contente de slogans qui nous sont fournis comme du prêt à penser: Risque zéro, transparence, qualité de soins, protection et droit du patient. Comment s'autoriser à subvertir un système qui prône la liberté et le bien du patient ?

Les textes présentés dans ce dossier prouvent chacun à leur manière la vivacité du combat dans lequel nous sommes engagés si nous voulons soigner dignement les personnes qui se confient à nous. Les psychologues y témoignent d'une pratique exigeante dont les fondamentaux s'appuient sur un code de déontologie précieux mais toujours sans valeur légale dans la mesure où il n'est pas appuyé sur une instance de régulation de la profession.
Ils ne lâchent rien sur l'essentiel, la protection de la rencontre intersubjective ainsi que la mise en sens et en mots de ce qui se joue dans les processus psychiques à l'oeuvre dans les institutions.

Simone Molina fait un rappel historique des fondements de l'institution psychiatrique et de son évolution cahotique jusqu'à la création du secteur. Nous découvrons la façon dont un psychologue trace son sillon dans un établissement psychiatrique de taille importante qui vivra de nombreuses transformations au cours de ses années d'existence. Le fil rouge de la création tissé  à celui de la psychanalyse a guidé sa pratique et lui a permis de préserver deux fonctions intrinsèques à notre profession, la formation et la transmision.

Nathalie Meunier met en perspective deux expériences de stage dans des services très différents, psychiatrie et cancérologie, qui l'amène à s'interroger sur ce qui fait sens et unité dans nos pratiques, quels que soient nos lieux d'exercice.

Selma Benchelah nous présente la difficile et passionnante expérience d'une pratique en psychiatrie adulte où les deux mi-temps qu'elle occupe, présentent des orientations contradictoires. Le désir de soigner, nous dit-elle, est la boussole qui lui a permis de se laisser interroger, bousculer,, par un cadre de soin rigide, loin des certitudes de théories parfois fétichisées.

Anne Capdevielle et Matthieu Ravous décrivent ce qu'il en est de leur expérience de co-consultants dans un Centre de consultation du tout petit, où ils accueillent parents et enfants dans la période parfois critique de remaniements psychiques importants que constitue l'arrivée d'un enfant.

François Denié nous livre la façon dont il a réussi à créer un dispositif particulièrement intéressant avec la mise en place d'un CATTP adolescents malgré d'inévitables résistances institutionnelles. En s'appuyant sur la force d'un travail d'équipe, soutenu par un travail exigeant de réflexion et d'élaboration, il a donné une véritable légitimité à cette structure désormais engagée dans un partenariat ouvert sur d'autres structures dans la cité.

Thomas Mignot travaille en EHPAD et en accueil de jour pour personnes âgées. Il nous fait partager la façon dont il construit son positionnement institutionnel en passant de l'individuel des entretiens à un engagement dans un travail plus collectif par le biais de sa participation au projet d'établissement comme au projet de vie et de soins des résidents.

 

Marie-Claude Cathelineau
Secrétaire générale adjointe du SNP - Secrétaire de la commission Santé mentale
                                                                                              

Sommaire du dossier

Présentation - M-C. Cathelineau

Un parcours... - S. Molina

La construction de l'identité professionnelle du psychologue - N. Meunier

Des vertus de l'inconfort. Expérience d'une pratique mixte de psychologue en psychiatrie adulte - S. Benchelah

Prises en charge psychothérapeutiques bébé/parents - A. Capdeville et M. Ravous

CATTP Adolescents : Premières années d'une structure et réflexions sur une pratique - F. Denié

La place du psychologue en EHPAD - T. Mignot

Une rencontre (un)possible - A. Robin



 

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